Soutenance de thèse de Vincent Lefebvre
mercredi 22 novembre à 14h00, dans l’Auditorium de la Grande Galerie de l'Evolution.
Le jury est composé de :
- M. Denis MICHEZ, Professeur, Université de Mons, Belgique (Rapporteur)
- M. Jean-Pierre SARTHOU, Professeur, INRA de Toulouse (Rapporteur)
- Mme Isabelle DAJOZ, Professeur, Université Pierre et Marie Curie, Paris (Examinatrice)
- M. Gilles BOEUF, Professeur, Université Pierre et Marie Curie, Paris (Examinateur)
- Mme Claire VILLEMANT, Maître de conférences au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris (Directrice de thèse)
- M. Christophe DAUGERON, Maître de conférences au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris. (Co-encadrant de thèse)
- M. Colin FONTAINE, Chargé de recherches au CNRS (Invité)
Résumé :
Les montagnes sont des hotspots de biodiversité dont les réseaux plantes-pollinisateurs constituent un élément central, et où les conséquences du réchauffement climatiques sont déjà avérées. Malgré le nombre colossal d’espèces potentiellement affectées par la destructuration du mutualisme entre les angiospermes et leurs pollinisateurs dans ces écosystèmes, les patrons spatio-temporels des communautés de pollinisateurs le long des gradients altitudinaux sont toujours méconnus. La première partie de ce travail propose une analyse des effets de l’altitude et de la phénologie sur l’abondance et la diversité des insectes anthophiles le long d’un gradient altitudinal de 1700 m d’amplitude. Nous montrons qu’il existe une structuration altitudinale et trophique entre les principaux ordres de pollinisateurs (hyménoptères, diptères, coléoptères), avec une nette prédominance des diptères dès 1500 m d’altitude qui s’amplifie jusqu’à 2700 m, la limite supérieure du gradient. Ces diptères appartiennent principalement à quatre familles (Syrphidae, Anthomyiidae, Empididae, Muscidae) qui se structurent également le long du gradient par l’altitude, la phénologie et le choix des plantes visitées. Leur biologie, efficacité pollinisatrice comprise, est encore largement méconnue. Dans un second temps, nous avons étudié l’écologie de la pollinisation et les causes évolutives du succès d’un groupe central de ces communautés anthophiles, les Empidinae. Nous avons mesuré 1) leur importance relative dans un réseau plantes-visiteurs à l’étage subalpin et 2) leur efficacité pollinisatrice par rapport à celles des autres visiteurs pour une plante de ce réseau (Geranium sylvaticum L.). Nous montrons que les visites d’une grosse espèce d’Empis produisent le même nombre de graines que celles de l’abeille domestique (Apis mellifera L.), pollinisatrice réputée très efficace. Ces résultats suggèrent un rôle majeur des gros Empidinae dans la pollinisation des plantes alpines. Pour comprendre le rôle de la floricolie dans la diversification des Empidinae et l’origine de leur abondance en altitude, nous avons construit une phylogénie moléculaire mondiale incluant 212 espèces sur la base de 4 marqueurs (28S D1-D2, D4-D5, 16S mtDNA, COI). La plupart des clades d’Empidinae contiennent des espèces qui occupent diverses altitudes, indiquant qu’il n’y a pas de conservatisme de niche impliqué dans leur distribution le long du gradient. L’association angiospermes-Empidinae remonte à la période de fin de radiation des angiospermes et semble, par l’intermédiaire de l’allongement de la trompe, avoir favorisé la radiation évolutive de certains clades en parallèle avec celles des plantes à fleurs. Leur large distribution altitudinale et leur capacité à visiter des morphotypes floraux inaccessibles à d’autres floricoles pourrait leur conférer une importante résistance aux changements globaux.
Abstract :
Mountains are biodiversity hotspots, where the effects of global warming have already been demonstrated in numerous studies. Plant-pollinator networks are a central element of these ecosystems, but, despite the tremendous number of species potentially affected by the disruption of this mutualism, spatial and temporal patterns of pollinator communities along altitudinal gradients are still poorly known. The first part of this work analyses the effects of elevation and phenology on the abundance and diversity of anthophilous insects along a 1700 m altitudinal gradient. I show that the main orders of pollinators (Diptera, Hymenoptera, Coleoptera) are structured by elevation and foraging preferences, with an increasing predominance of flies from 1500 m altitude up to 2700 m, the upper limit of the gradient. Most of these fly species belong to four families (Anthomyiidae, Empididae, Muscidae and Syrphidae) which also segregate along the gradient according to altitude, phenology and the choice of flowering plants they visit. The systematics and biology of these taxa, including their pollination efficiency, are still largely under-investigated. Second, I studied the pollination ecology and the evolutionary causes of the success of empidine dance flies (Empidinae), a central group in these anthophilous communities. I measured 1) their relative importance in the plant-visitor network of a subalpine meadow; and 2) the pollinating effectiveness of their visits to Geranium sylvaticum L. relative to the other visitors. Visits by large species of Empis produced the same number of seeds as those by the domestic bee (Apis mellifera L.), a highly effective pollinator. Such results suggest a major role of large empidines in the pollination of alpine plants. To understand the role of anthophily in Empidinae diversification and the origins of their abundance at altitude, I built a worldwide molecular phylogeny for the subfamily. The resulting cladogram includes 212 species for which four molecular markers were sequenced (28S D1-D2, D4-D5, 16S mtDNA, COI). Most clades of Empidinae contain species occupying various altitudes, indicating that there is no phylogenetic niche conservatism involved in their distribution along the gradient. The association between Empidinae and Angiosperms dates back to the end of the angiosperm radiation and seems, through the lengthening of the proboscis, to have favoured the evolutionary radiation of several clades in parallel with flowering plants. Their wide altitudinal distribution, combined with their ability to visit floral morphotypes inaccessible to other anthophilous insects, could confer them a strong resistance to global changes.