Les systèmes mécaniques complexes (p. ex. ordinateur, moteur, ampoule) s'endommagent, et cassent, en grande partie lors du passage de l'état inactif (éteint) à l'état actif (fonctionnement en régime normal). Serait-ce de même pour les systèmes biologiques ? L'organisme d'un animal saisonnier s'abîmerait-il (vieillirait-il) particulièrement lors des remodelages physiologiques majeurs qu'il encourt lors des transitions entre la saison de reproduction (activité maximale) et la saison hivernale (activité réduite) ? Nous avons proposé cette hypothèse comme un mécanisme complémentaire majeur de la sénescence de l'organisme - ignoré jusqu'à présent dans les théories du vieillissement. La flexibilité phénotypiques saisonnière est une adaptation permettant la survie à la saison défavorable. Chez le Microcèbe murin, diverses adaptations concurrent à une réduction drastique du métabolisme (engraissement, inactivité, torpeur), permettant de survivre aux 4 à 6 mois de saison sèche intense des forêts tropicales sèches de Madagascar. En captivité, ces ajustements physiologiques saisonniers sont facilement initiés par des changements de la durée du jour : lorsque les jours raccourcissent en dessous de 14 heures de jour, des mécanismes physiologiques d’économie d’énergie sont activés. Dans l’étude présente, nous avons analysé 17 ans de suivi démographique de microcèbes murins captifs soumis à différents rythmes de succession des saisons (déterminés par le temps passé en photopériode de jours longs, versus de jours courts). Certains vivaient avec le rythme naturel (1 transition entre deux saisons par an), alors que d’autres ont vécu avec un rythme accéléré d’alternance des saisons, allant de deux à 4 transitions saisonnières par année. Le résultat marquant est que la mortalité augmente proportionnellement à l'accélération du rythme des alternances saisonnières. Les animaux vivant trois saisons par an meurent 3 à 4 fois plus que ceux vivant au rythme naturel des saisons ! Mais en moyenne ces individus vivent le même nombre de saisons au cours de leur vie, suggérant que les principaux dommages à l'organisme responsables de la senescence, et de la mortalité intrinsèque, ont lieu lors des transitions entre saisons. En conclusion, nos résultats suggèrent que les remaniements physiologiques lors des transitions saisonnières sont coûteux, générant des dommages à l’organisme responsables d’une augmentation de leur mortalité. La vitesse de la sénescence dépend donc non seulement du taux métabolique des organismes (ce qui est bien connu) mais également des fluctuations de ces niveaux dans le temps. Ces coûts des remodelages physiologiques lors des changements d'état limitent la valeur adaptative de la flexibilité métabolique saisonnière: ils doivent être compensés par des bénéfices, tels que l'évitement de la prédation, ou la résilience métabolique aux perturbations environnementales.

Pour plus d'information, consultez le communiqué de presse Muséum/CNRS en français, ou anglais.

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Vieux (gauche) et jeune (droite) microcèbes murins (photographie: L. Dezaire)